«Laisser une trace»

En l’absence d’héritiers réservataires, il arrive que des personnes disposant d’une certaine fortune la laissent à une fondation dont elles définissent elles-mêmes les contours.

Sous l’angle économique, Jean a «réussi sa vie». Domicilié à Evilard, près de Bienne, il a la septantaine et a bien vendu sa société, créée voilà trente ans. Si bien qu’il dispose, aujourd’hui, d’actifs immobiliers résidentiels ainsi que de liquidités importantes. Du point de vue privé, son mariage a échoué à cause de son appétit professionnel. Il n’a pas d’enfant. Lui qui, sa vie durant, a toujours inventé, anticipé, géré et exécuté, est très emprunté au moment de planifier sa succession. Une vraie page blanche…La particularité de la situation de Jean, si l’on sait que ses parents sont déjà décédés, c’est qu’il n’a pas d’héritiers dits «réservataires», en d’autres termes d’héritiers proches auxquels il n’est pas possible de soustraire l’intégralité de leur part successorale légale.

COMME IL L’ENTEND

Ainsi, Jean peut disposer comme il l’entend de l’intégralité de sa fortune. Il a certes pensé à favoriser toute une série d’institutions de bienfaisance existantes, mais cela ne le satisfaisait pas pleinement. Un peu par vanité. En fait, il aimerait «laisser une trace». Il aurait la possibilité de constituer une «fondation de famille», à savoir une entité à laquelle il transférerait ses actifs et qui les gérerait au profit de quelques-uns de ses neveux et nièces dont il a toujours suivi les évolutions avec intérêt. Toutefois, son notaire, Me Prudent, lui a indiqué que le droit suisse interdisait la pure fondation d’entretien, qui procède à des versements réguliers et sans cause à un cercle précis de bénéficiaires. De plus, il a appris qu’un tel projet engendrerait une lourde fiscalité. Il a donc changé son fusil d’épaule.

UN BUT D’UTILITÉ PUBLIQUE

Car, au fond, ce qui a toujours passionné Jean, c’est la protection des cours d’eau jurassiens et de leurs populations de poissons. Après avoir fait part de son projet à son notaire, celui-ci l’a assisté pour définir les points centraux du projet de constitution de la «Fondation Doubs-Jean», dans le cadre d’un testament. Il a choisi quelles personnes composeraient le Conseil de fondation: un scientifique pour sélectionner les projets, une banquière pour la gestion des avoirs de la fondation et son ami proche, Richard, comme président. Il a aussi défini le but de la fondation et le cercle des futurs bénéficiaires (des chercheurs scientifiques).Jean et son notaire ont aussi été particulièrement attentifs à remplir l’ensemble des critères devant permettre l’exonération fiscale de la fondation. Celle-ci découle du fait que la fondation ne poursuivra pas de but lucratif et que ses fonds seront irrévocablement affectés à des buts d’utilité publique.

Ainsi, après le décès de Jean, il reviendra au Conseil de fondation de respecter ses volontés et de mettre en œuvre son projet, par exemple en encourageant des étudiants par un système de bourses d’études.

Frésard Philippe

Frésard Philippe

Notaire et avocat chez Kellerhals Carrard Zurich (ZH-DE)

CE QU’IL FAUT RETENIR

  • En l’absence d’héritiers réservataires, on peut disposer librement de son patrimoine, en faveur de proches, d’institutions existantes ou d’une fondation à créer.

  • Le notaire aidera Jean à mettre sur papier l’ensemble des points nécessaires à la constitution de sa fondation.

Publié dans le magazine générations par les notaires de swisNot