Papa entre dans un EMS (II)

Il y a quelques années, papa s’est dessaisi de la maison familiale en faveur de ma sœur et de moi-même, tout en se réservant l’usufruit. L’Etat peut-il venir rechercher chez nous de l’argent afin de financer son séjour ?

Il est fréquent que les personnes souhaitent donner à leur enfant de leur vivant. Parfois afin de l’aider, parfois afin de faire en sorte que leurs biens ne soient pas utilisés pour payer les frais du home.

On parle alors de «dessaisissement volontaire », soit la renonciation à des éléments de revenu ou de fortune sans contre-prestation. Le dessaisissement a des conséquences qui ne doivent pas être sous-estimées en cas d’entrée dans un home et de sollicitation d’une rente complémentaire (prestations complémentaires).

Lorsqu’une personne qui s’est dessaisie volontairement entre dans un EMS et sollicite des prestations complémentaires, celles-ci pourraient être diminuées, voire refusées. Le calcul du droit aux prestations complémentaires prend en compte la fortune dont la personne s’est dessaisie volontairement. Il n’y a aucune limite dans le temps.

Concernant les immeubles, c’est la valeur vénale qui est prise en compte (pour rappel un pourcentage de la valeur fiscale) dont une franchise d’un montant de 112 500 francs est soustraite également dans le cadre du calcul de la fortune. Il est à préciser que la loi accorde le droit à un amortissement unique de 10 000 francs par année, sur la totalité de la libéralité, dès le jour du dessaisissement volontaire. Les éventuelles contreprestations, telles qu’usufruits capitalisés, droits d’habitation et autres dettes hypothécaires reprises, sont déduites de la valeur de la maison à leur valeur au moment de la donation.

OBLIGATION D’ASSISTANCE
Le père ayant donné sa maison à son fils et à sa fille, les enfants pourraient devoir assumer les frais de l’EMS, et cela indépendamment du moment où a lieu la donation. Le père serait ainsi privé de prestations complémentaires. Les descendants (enfants ou petits-enfants) qui ont profité du dessaisissement sont soumis à l’obligation d’assistance entre parents selon les art.  328 et 329 CC, en fonction de leurs ressources et de leur degré de parenté.

Si on applique ce calcul à un cas où la maison aurait  une valeur de 700 000 francs, la dette hypothécaire serait de 325 000 francs, la valeur de l’usufruit de 103 000 francs, la donation ayant eu lieu il y a onze ans. Les enfants devraient donc assumer les frais de l’EMS jusqu’à concurrence de 162 000 francs (700 000-325 000-103 000-110 000), montant correspondant au dessaisissement volontaire du père à ses enfants.

De fait, les donations doivent être envisagées assez tôt afin de profiter de l’amortissement annuel de 10 000 francs. L’octroi d’un usufruit permet également de réduire l’élément de la fortune dessaisi.

Blajev Grégory

Blajev Grégory

Ce qu’il faut retenir …

  • Il est difficile de recommander une solution de manière générale, chaque situation étant particulière. Il convient dès lors d’examiner l’alternative envisageable dans chaque cas d’espèce.

  • Le plus tôt, c’est le mieux. Toutefois, avant de procéder à une donation de son vivant, il est important de consulter un notaire qui vous renseignera sur les conséquences d’un tel acte sur le plan tant juridique, financier que fiscal.

Publié dans le magazine générations par les notaires de swisNot