Succession : quand la famille perd ses repères

Après le décès d’un père ou d’une mère, c’est tout l’équilibre familial qui vacille. Derrière son rôle formel, le notaire doit alors jouer les médiateurs.

La liquidation d’une succession mêle bien souvent deux aspects : l’un juridique et l’autre, parfois inattendu, relève davantage de la médiation.

« Tu n’as donc aucune sensibilité ? Seul l’argent t’intéresse. Il n’y a donc aucun souvenir pour toi dans cette maison dans laquelle tu as grandi ? »

Le rôle du notaire dans une succession est double. Il revêt tout d’abord le manteau de l’homme de loi : neutre, exécutant les volontés du défunt. Détaché face à des gens émus, il n’utilise que des mots complexes et des phrases alambiquées dans un contexte rempli d’émotions. Les héritiers le voudraient pourtant davantage rassurant, peut-être.

QUOI DE PLUS NORMAL ?

Puis, l’émotion passe et le concret de la succession vient sur la table. C’est alors que le notaire doit adapter son comportement et se montrer plus empathique. Les héritiers ont déjà eu l’occasion de se rencontrer plusieurs fois. Ils commencent même à se fâcher, et le notaire réunit les membres de l’hoirie. Le ton est donné. Les premières vérités tombent. C’est là, généralement, que les langues se délient … Mais, au fond, quoi de plus normal ? La personne qui maintenait un certain équilibre dans la famille, le père ou la mère, dernier survivant, est partie en laissant des instructions sur un papier. En réalité, elle laisse surtout des héritiers qui n’ont plus d’arbitre vers lequel se tourner. Ils doivent se débrouiller entre eux. Il n’y a plus l’intermédiaire du père ou de la mère, le contact est direct. Mais où donc est passée cette belle famille que rien ne pouvait briser ? Cette famille est toujours là, mais elle a perdu quelqu’un de manière subite ou à la suite d’une longue maladie. Peu importe, l’équilibre est rompu et les héritiers doivent composer avec … Imaginez une chaise à quatre pieds qui en perd un. C’est tout un équilibre à retrouver. Les héritiers cherchent alors à se retourner vers une personne en qui ils ont confiance et, surtout, qui peut les écouter. Peut-être même que cette personne pourrait assumer ce rôle d’intermédiaire qui a disparu, qui sait ?

LE POIDS DES ÉMOTIONS

Les héritiers ne choisissent pas le moment où ils reçoivent une succession. Il est rare qu’elle arrive au bon moment. Les héritiers doivent composer avec un héritage à un moment qui n’est pas nécessairement le bon, familialement, financièrement ou autre, et cela génère des tensions évidemment. Entre émotions et gestion du quotidien, les héritiers doivent composer chacun avec leur caractère respectif, leur sensibilité et, particulièrement, avec la personnalité des cohéritiers. Que leurs liens soient familiaux ou non, sanguins ou non, le décès les a rapprochés. Parfois les étincelles jaillissent, et c’est alors que le notaire doit maîtriser le feu, maintenir un dialogue et accompagner les héritiers.

Dans cette situation, et c’est là mon approche, le notaire va écouter et orienter sur un plan humain, quitte à laisser l’aspect juridique de côté, pour un temps du moins. Lors de tensions au sein d’une succession, le notaire ne va pas nécessairement imposer de force une solution. A l’inverse, il va plutôt faire comprendre aux héritiers pourquoi il est opportun de suivre tel ou tel chemin réunissant les intérêts de tous, afin que chacun puisse s’y retrouver en l’empruntant et éprouve une impression de satisfaction sans avoir nécessairement cédé.

L’ASPECT HUMAIN

Apprendre à quitter sa zone de confort pour approcher une problématique en mettant en avant l’aspect humain ?

La faculté d’adaptation du notaire et son empathie, dans la gestion d’une succession compliquée, contribueront à trouver une issue favorable et la reconnaissance chez les clients.

Pradervand François-Vincent

Pradervand François-Vincent

Notaire chez Pradervand François-Vincent (NE-EN-2)
Publié dans le magazine générations par les notaires de swisNot